30 AVRIL 2023 : LE JOUR OÙ LE TOUR DE BRETAGNE A BASCULÉ

C’est une histoire que le cyclisme breton ne racontera jamais sans frisson. Un jour où la course a laissé place à l’humanité. Où la boue, le silence, la stupeur, puis les applaudissements ont formé un crescendo que personne n’oubliera. Ce 30 avril 2023, entre Châteaubriant et Plancoët, la 6ème étape du Tour de Bretagne n’est pas allée à son terme. Elle a, en revanche, gravé une page de légende.

Un début d’étape comme les autres… ou presque

Au petit matin de cette 6ème étape, Châteaubriant a le cœur léger. Il flotte dans l’air ce parfum d’avant-dernière étape, celle qu’on surnomme « l’étape des costauds ». Tout est encore jouable au classement. Les coureurs savent que cette journée peut faire basculer le Tour. Le maillot vert de leader est sur les épaules de Simon PELLAUD, coureur suisse au tempérament offensif. Devant lui : 209 kilomètres vers Plancoët, des routes sinueuses, du vent, et une foule que l’on annonce nombreuse à l’arrivée.

Sur les premiers kilomètres, le peloton file, concentré, fluide. Une échappée se dessine. On roule vite, très vite…

Puis, le chaos.

Vers Broons, à 80 kilomètres de l’arrivée, le drame surgit. Entre le passage de la voiture ouvreuse et celui du peloton, une couche de boue glissante se forme sur la route. Une poignée de minutes. C’est tout ce qu’il a fallu. La route devient une véritable patinoire. Les vélos glissent et s’empilent inexorablement. Ils sont des dizaines à terre. Les coureurs se relèvent lentement, les maillots maculés, les visages fermés. L’incompréhension domine. L’instinct parle d’abord, puis les regards se croisent : tout le monde comprend que la course vient de changer de visage.

Simon PELLAUD, pourtant solide comme un roc depuis le début de l’épreuve, glisse :
« J’ai vu des mecs tomber devant moi, je n’ai rien pu faire. On est passés dans un bain de boue. Je n’avaisi jamais vu ça. »

Une décision de raison, le cœur lourd

La caravane s’arrête. Les visages se tendent. Très vite, l’organisation prend la mesure de la situation. L’étape ne peut pas reprendre. Les blessures, multiples, mobilisent les équipes médicales dans leur intégralité. Il faudra du temps, des renforts, une autre logistique. Le choix s’impose avec calme et gravité. Le mot tombe : neutralisation. Puis, annulation. Le Tour de Bretagne n’ira pas à Plancoët aujourd’hui. Pas pour courir. Pas pour disputer un sprint. Mais pour dire autre chose.

« Ce n’était pas une décision sportive. C’était une décision humaine », dira plus tard Christophe FOSSANI, Président du Tour de Bretagne. Rien à ajouter. Tout est dit. Simon PELLAUD, pourtant solide comme un roc depuis le début de l’épreuve, glisse : « J’ai vu des mecs tomber devant moi, je n’ai rien pu faire. On est passés dans un bain de boue. Je n’avais jamais vu ça. »

Plancoët, une arrivée sans sprint… mais avec les tripes

À Plancoët, plusieurs milliers de spectateurs attendent encore. Ils ne savent pas. Pas encore. Certains brandissent des drapeaux. Les enfants agitent des pancartes bricolées. Les bénévoles gardent leur poste.

C’est alors que le peloton arrive. Non pas en chasse, comme cela était initialement prévu, mais en procession. Simon PELLAUD en tête, les coureurs entrent dans la ville, cabossés, boueux, mais droits. Ce n’est plus une course. C’est un hommage. Un tour d’honneur. Un remerciement à ce public venu les accueillir malgré tout. Les applaudissements montent. Spectateurs et bénévoles ont parfois les larmes aux yeux. La grande famille du cyclisme fait bloc.

Et le lendemain, la lumière

Le 1er mai, la dernière étape reliera Piré-Chancé à Châteaugiron. Malgré les douleurs, le peloton ira au terme de ce Tour de Bretagne si particulier, et Simon PELLAUD résistera à ses adversaires pour s’offrir la victoire finale et le maillot vert. Le Tour de Bretagne 2023 a son vainqueur, et sous le soleil de Châteaugiron, la parenthèse Plancoët se clôt, pour l’instant.

Le 30 avril 2023 est resté dans toutes les mémoires. Et surtout dans celle de Christophe FOSSANI. Quelques jours après l’annulation, il le promet aux élus, aux habitants et aux bénévoles :
« Plancoët aura son étape. Ce n’est qu’un report. Ce n’est pas fini. »

Promesse tenue : en 2025, Plancoët sera à nouveau à l’honneur. Cette fois, la ville accueillera le grand final de la 58ème édition de l’épreuve. Comme un symbole et un clin d’œil au passé. Rendez-vous le 1er mai prochain afin de connaître le prochain scénario de cette histoire sans nul autre pareil.

Parce que sans eux l'épreuve ne pourrait exister, merci à tous nos bénévoles

Un immense merci à notre équipe médicale bénévole pour son engagement en ce jour si particulier, où elle a été mise à rude épreuve. Mais notre reconnaissance s’étend aussi à tous ces jours où leur travail, bien que discret, reste tout aussi essentiel. Sans eux — comme sans l’ensemble de nos bénévoles — notre épreuve ne pourrait tout simplement pas exister.

Crédits photos : Sébastien Delaunay, Gurvan Sevenou, Eric Roustand