La tendance s’est affirmée au terme de la première étape à laquelle il a assisté en compagnie de Cyrille Guimard puisque les deux superstars du podium protocolaire, Herman Dahl et Henrik Evensen, tous deux Norvégiens, tous deux membres de l’équipe Joker-Icopal (prononcez Yo-keur si vous voulez passer pour un Scandinave), affichent respectivement 1,90m et 1,94m sous la toise.
On n’a donc vu que du bleu entre Châteaubriant et Louisfert, par le chemin des écoliers – et les petites routes des fermiers dans cette campagne très bucolique. La formation naguère appelée Maxbo-Bianchi, qui a brillé sur les routes bretonnes avec Edvald Boasson Hagen, Alexander Kristoff et Daniel Hoelgaard, n’est plus dirigée par le légendaire Gino van Oudenhove, dont les compétences ont enfin été appelées en WorldTour par Dimension Data, mais elle reste tout aussi performante car le Belge installé au bord d’un fjord, à Tønsberg, a jeté les bases de la performance et attiré deux coureurs norvégiens militant dans d’autres formations : Evensen était chez SEG Racing l’an passé et Dahl dans la défunte Sparebanken Sør, ce qui lui avait valu de découvrir le Tour de Bretagne en 2016 et par conséquent le final de Louisfert où il avait pris la dixième place alors qu’il emmenait au sprint un coéquipier qui n’avait pas tenu sa roue. « Je connaissais cette arrivée et je savais qu’elle pouvait me convenir, a déclaré le colosse de Kristiansand, joyau de la côte sud de la Norvège. Mais pour que je l’aborde en excellente condition, il fallait que tout se passe parfaitement jusque-là. Avoir un coéquipier dans l’échappée faisait partie du plan. »
Cet équipier, Henrik Evensen, qui vient de Nannestad, une petite ville dans les bois au nord d’Oslo, près de l’aéroport de Gardermoen, s’est enfuit au 14e kilomètre en compagnie de l’Italien de Mantoue Edoardo Affini, qui était son partenaire chez SEG l’an passé, et Owen James, le Gallois de Côtes d’Armor-Marie Morin. Evensen s’est rué sur le premier sprint intermédiaire, comprenant qu’il était le plus rapide des trois. « Comme je le savais, je n’ai même pas essayé de sprinter contre toi », lui a lancé Affini. Le Norvégien, du coup, s’est emparé du classement des rushes, remportant également les deux sprints intermédiaires suivants et l’unique Prix de la montagne du jour. Le seul maillot distinctif qui ne soit pas revenu à l’un des deux coureurs de Joker-Icopal, qui ont tous les deux 23 ans, est celui des jeunes. Affini, 22 ans, se l’est adjugé à la faveur des bonifications.
L’avantage maximal d’1’45’’ ne laissait guère d’illusions aux trois fuyards dès lors que l’équipe Wilier Triestina de Jakub Mareczko et la Bennelong-Swisswellness de Steele von Hoff assuraient un train soutenu en tête de peloton. Corentin Ermenault (Vital Concept Cycling Club) a bien essayé un coup de poursuiteur à l’amorce du dernier tour de circuit mais l’équipe Fortuneo-Samsic, naturellement, a réagi. Au sprint, les Italiens avaient la faveur des pronostics. Mareczko, Moschetti, Malucelli et Mozzato étaient attendus (attention, Pozzato n’est pas là cette année mais Mozzato est le sprinter de Dimension Data). Ils ne savaient peut-être rien de Dahl, vainqueur du Baltic Chain Tour (2.2) l’an passé mais sans palmarès encore depuis son transfert dans l’usine à talents du cyclisme norvégien. « Je ne sais pas s’ils m’ont sous-estimé, chacun a fait sa course », a commenté Dahl, qui est passé en tête in extremis dans la courbe de l’église de Louisfert. Von Hoff s’est classé deuxième et Malucelli troisième. Venue sur le Tour de Bretagne pour préparer le Giro mais aussi pour gagner, l’équipe Wilier Triestina sera avide de revanche en cas de deuxième emballage massif à Plougoumelen.
Jean-François Quénet